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La fusion de Djam et sa famille
SI la musique arabe et maghrébine ne passe pas encore à la radio autant qu’on le souhaiterait, on assiste néanmoins à un formidable essor au niveau des concerts et de la production discographique. Après Cheb Mami, l’Orchestre national de Barbès (ces deux formations ayant fait un tabac le week-end dernier, lors du festival Ouaga-Carthage à la Grande Halle de La Villette), Khaled et Sawt el-Atlas, le groupe Djam & Fam rejoint le peloton de tête, grâce à un album enthousiasmant, tout simplement intitulé « Djam & Fam » (WEA). Djam & Fam, c’est la réunion du violoniste Djamel et de sa famille de coeur : Cheb Moumen (chanteur de raï déjà connu de par sa carrière solo), le percussionniste Zakaria Riahi, le rappeur black londonien Font La Roy et la chanteuse suédoise Asa (prononcer Ossa). « Nous nous sommes rencontrés sur la route, lors de tournées, explique Djamel. Tout s’est fait naturellement, dans l’amitié. Nous ne nous posons pas la question des nationalités. Les jeunes générations grandissent avec la notion de l’Europe. L’Angleterre et la Suède, ce n’est pas loin. » Mélodies orientales au violon et au chant, sensualité de la langue arabe et envolées raï se mêlent fougueusement aux lyrics rap, au groove hip hop, à l’énergie funky et aux beats dance.
Djam & Fam développe un langage original. Ce groupe est jeune, mais ses membres possèdent déjà une sacrée expérience. Djamel Ben Yelles a offert les cordes sensibles de son violon aux plus grands artistes, en particulier à Cheb Mami (pendant plusieurs années), Khaled, Cheb Kader, Didier Lockwood, Jacques Higelin (« Tombé du ciel »), Jean-Paul Gauthier (remix de « How to do that »)... Il porte en lui un arc-en-ciel de swing. Même la musique classique, qu’il a étudiée au conservatoire d’Oran quand il avait six, sept ans, resurgit parfois dans le secret de son archet. Gosse, il aimait Mozart et Vivaldi pour la beauté de la mélodie - une qualité qu’il cultive également avec beaucoup de talent. Parallèlement à ses cours au conservatoire, il était DJ, le week-end, dans les boîtes, où son oreille a dévoré soul, blues, funk, disco et tout ce qui met le feu au tempo. Cheb Moumen, lui, vient de Relizane (non loin d’Oran), la ville de la légendaire doyenne du raï, Remitti. Né d’un père ouvrier immigré en France et d’une mère « géniale », il a été tôt remarqué par une institutrice, qui trouvait sa voix si jolie qu’elle le faisait chanter pendant les cours de travaux manuels pour donner aux autres élèves du coeur à l’ouvrage. En 1986, il a été consacré par le premier prix du festival de raï d’Oran. Quant à Zakaria, il tire de ses percussions des rythmes, des timbres et des couleurs aux nuances subtiles. Il préfère la profondeur de l’expression à toute virtuosité démonstrative. Il a joué notamment avec Rachid Taha et Cheb Kader. Né au Maroc dans une famille mélomane (son grand-père était violoniste à la Radio-Télévision marocaine), il a émigré à Besançon à l’âge de huit ans. Djam & Fam évoque, dans ses textes (en français, arabe et anglais), la vie quotidienne. Le groupe se sent véritablement concerné par les problèmes de société. « Châteauvallon, l’intolérance qui parle de plus en plus fort dans ce pays, le fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres, tout ça nous touche beaucoup. » La musique de Djam & Fam constitue une réponse joyeuse, optimiste, revitalisante. Cela fait du bien.
« Djam & Fam » (WEA).
FARA C.